Pourquoi devrait-on utiliser l’IGP pour promouvoir la qualité des produits et denrées agro-alimentaires du terroir ?

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Pourquoi devrait-on utiliser l’IGP pour promouvoir la qualité des produits et denrées agro-alimentaires du terroir ?

L’indication géographique protégée renvoie à n’importe quel signe distinctif qui peut être accordé aux produits qui sont originaires d’une région déterminée, et dont une qualité déterminée, une réputation ou d’autres caractéristiques peuvent être attribuées à cette origine géographique. Selon le rapport IP4Growth (2016), c’est le titre de propriété qui a le plus d’effet positif sur le développement agricole. En Côte d’Ivoire où près de la moitié de la population active (48,3%) réside en milieu rural, et où plus des trois quarts de ces personnes (79,5%) tirent leur revenu de la branche agricole (ENV, 2015), très peu de produits ou denrées agro-alimentaires ne sont enregistrés sous ce titre de propriété. Pourtant, cela aurait été bénéfique pour tous si ces produits avaient été géographiquement référencés ou labellisés. Quel est le rôle associé à l’IGP ? Comment l’IGP promeut-elle la qualité des produits ou denrées agro-alimentaires du terroir sans toutefois entraver la libre concurrence?

L’IGP pour signaler la qualité d’un produit et réduire la fraude

Le recours à l’IG et sa protection peut permettre de signaler la qualité d’un produit du terroir. Par produit du terroir, il faut entendre un produit présentant des qualités spécifiques et uniques liées à son territoire d’origine. Ainsi, le fait de mentionner la région de production garantit au produit donné les qualités et la réputation dues à son lieu d’origine. Cette perception se justifie par le fait que le référencement géographique d’un produit obéit au respect d’un cahier des charges intégrant à la fois les valeurs, les spécificités et le savoir-faire de cette localité. C’est notamment le cas en Côte d’Ivoire du «Café des montagnes» et de l’«attiéké des lagunes» qui présentent respectivement un goût particulier et exquis à cause des propriétés géo-pédologiques pour le café et des techniques de transformation post-récolte du manioc pour l’attiéké. Tout produit qui portera ces dénominations devrait avoir ces propriétés prédéfinies.

En plus de réduire l’asymétrie d’information sur la qualité perçue d’un produit, l’indication géographique peut aider à réduire la fraude. Concrètement, le simple fait d’indiquer la région d’origine d’un produit le démarque des produits concurrents de la même catégorie. Ainsi, la forte corrélation entre l’origine d’un produit et ses caractéristiques permettra sa traçabilité, et donc le contrôle de la qualité et la répression de la fraude. C’est par exemple le cas du «Miel Blanc d’OKU» qui se distingue des autres miels à cause de sa texture crémeuse et une couleur blanche uniques, qui sont le fruit des espèces végétales poussant uniquement dans cette région et des techniques de filtrage spécifiques.

L’IGP facteur de valorisation et d’amélioration des revenus des producteurs

Aujourd’hui, fort est de constater que certains attributs des produits peuvent être obtenus dans une autre région, ou à l’aide d’un savoir-faire différent. Cette nouvelle donne peut perturber le choix des consommateurs. Dans ces conditions, les produits référencés selon leur origine géographique de production seront les mieux valorisés et considérés comme étant de qualité supérieure. La raison évoquée est que tout produit utilisant l’indication protégée remplit les conditions objectives d’un cahier de charges et donc bénéficie indéniablement des attributs spécifiques et uniques. Par conséquent, tout signe apparent apposé sur un produit indiquant la localité géographique d’origine du produit est un élément de preuve concernant la qualité du produit en lien avec l’environnement géographique. C’est le cas «du vin de Bordeaux », et ce sera certainement le cas après protection de l’«attiéké» qui est une semoule à base de manioc typiquement originaire de la région des lagunes de la Côte d’Ivoire, et dont les techniques les plus élaborées et ancestrales de préparation sont détenues par ce peuple, mais qui pourrait toutefois être reproduit partout ailleurs.

Finalement, c’est la réputation des produits protégés par une indication géographique qui conditionnera leur demande sur le marché car les consommateurs sont de plus en plus enclins à payer plus chers pour des produits d’origine protégés. Pour eux, ces produits sont soumis à des contrôles stricts et respectent certaines normes et éthiques tels que le respect de l’environnement, des normes sanitaires. En conséquence, une forte demande de marché de ce type de produit se traduira par une hausse de la production. Et, dans l’hypothèse que les producteurs concernés maitrisent les coûts de production et de coordination, alors leur niveau de revenu va s’accroître.

L’IGP comme outil de protection juridique et de développement rural

L’indication géographique protégée accorde un droit d’utilisation exclusif au producteur du produit concerné. Mais pour obtenir cette protection il faut bien enregistrer cette dénomination. Selon l’OAPI[1] (2011),  l’enregistrement d’une IG protège un nom, et pas un produit. Par conséquent, Il n’est pas interdit d’imiter un produit dont le nom est enregistré en IG, mais il est proscrit de lui donner le nom protégé. De même, l’IG ne peut donc être vendue, contrairement à la marque, ne « confère pas un monopole sur le produit, mais une exclusivité sur le nom (sous condition d’origine et de respect du cahier des charges)». Ainsi, au regard de cette dispositions, l’appellation « Bordeaux » est contrôlée et il y sera de même pour « l’attiéké » si cette dénomination fait l’objet de protection.

Par ailleurs, en indiquant conjointement un lieu et une qualité, l’IG peut contribuer au développement d’une région donnée. La justification se trouve dans le fait que l’introduction d’une demande d’enregistrement est de la compétence d’un groupement national de producteurs ou de transformateurs du produit concerné. Et pour ce faire, il faudra donc un minimum de collaboration entre tous les acteurs du produit en jeu. Cette démarche va donc induire une organisation de tous acteurs. Les plus petits producteurs pourraient par exemple s’organiser en coopératives, les plus grands en groupements d’intérêt économique (GIE) pour plus de production et donc pour davantage de revenus. Une amélioration des débouchés commerciaux et une juste redistribution du premium aux producteurs permet d’améliorer et de sécuriser le revenu des producteurs concernés. A terme, cela peut conduire au développement de la région concernée.

En somme, il faut dire que l’IG et sa protection est un signe ou label d’authenticité et de qualité. Toutefois, cette reconnaissance fondée sur la spécificité du produit, à savoir les caractéristiques par lesquelles celui-ci se distingue nettement des autres produits ou denrées similaire de la catégorie, permettra d’assurer la sécurité juridique du produit identifié et d’améliorer les revenus des producteurs concernés. Finalement, il peut se muer en véritable outil de développement rural.

Dr Bérenger N’CHO est Enseignant-Chercheur. Membre du Comité scientifique, il dirige le Groupe d’Etude et travail ‘’Migration, Résilience et Sécurité humaine’’.