Les urnes peuvent-elles sauver la Côte d’Ivoire ?

Share on facebook
Share on twitter
Share on linkedin

Octobre 1990. Première élection sous l’ère multipartite. Elle enregistre deux candidats : le Président sortant, Félix Houphouët Boigny et monsieur Laurent Gbagbo, son opposant historique. Cette élection enregistre 3 070 155 électeurs sur 4 408 810 ; soit un taux de participation de 69,63 %. Au final, le président sortant l’emporte avec 75,39 des voix contre 24,61 pour son adversaire. Cette élection enregistre Quelques actes de violence, avec des électeurs qui auraient été empêchés de voter dans certaines régions.

Octobre 2018. Elections régionales en Côte d’Ivoire. L’on enregistre 6 397 006 inscrits. Des actes de violence dans plusieurs localités et plusieurs plaintes auprès des instances en charge d’organiser les élections. De 1990 à 2018, la population électorale a augmenté de 1 988 196 électeurs. De 2015 à 2018 : 95 817 nouveaux électeurs. De 2010 à 2015 : 516 699 nouveaux électeurs. De 2000 à 2010 : 309 347 nouveaux électeurs. De 1995 à 2000 : 92 514 nouveaux électeurs. De 1990 à 1995 : 973 819 nouveaux électeurs. De 1990 à 2018, peut-on conclure que les urnes nous ont apporté plus et mieux de liberté ?

En Afrique, les élections, ont engendré quelques alternances. Certes, la liste des présidents africains au pouvoir ayant perdu des élections qu’ils ont organisées, eux-mêmes, pourrait être comptée sur les doigts d’une seule main mais ce fait mérite d’être signalé : Abdoulaye Wade, Goodluck Jonathan, Joyce Banda, Rupiah Banda, Abdou Diouf, Nicéphore Soglo, Mathieu Kérékou, John Dramani…. Qu’en ont fait ceux qui les ont remportées ?

L’histoire des transitions démocratiques africaines en vue de plus et mieux de liberté est entachée de si profondes déceptions. Est-ce les candidats élus qui ont déçus ou est-ce parce que nous avons surestimé le pouvoir des urnes à transformer notre quotidien si difficile depuis ‘’le soleil des indépendances’’ ? Françafrique, Franc CFA, Tribalisme, Népotisme, … Tout y passe pour expliquer notre marginalisation de plus en plus poussée par rapport au reste du monde. Comment sortir de cette posture qui n’a pas varié depuis les plantations de canne à sucre des Amériques aux arrières boutiques contemporaines en passant par le trottoir ? Que faut-il légitimement attendre de l’élection présidentielle ivoirienne à venir ?

Au chapitre des défis, nous pourrions énumérer : le respect du droit à la différence, de la liberté d’association ; le respect de la volonté du Peuple ; liberté aux Allochtones de voter le candidat de leur choix (même si leur choix va contre celui des Autochtones, leurs tuteurs). Pour ce qui est des enjeux, notons : la recherche d’institutions stables, fiables et efficaces ; l’appropriation d’une culture démocratique matérialisée par la bonne gouvernance, l’Etat de droit… Après 28 longues années de pluralisme politique, l’on est en droit de se demander ce que pourrait changer une urne en 5 ans. Quelle force réelle confère une urne dans un pays africain ?

Les urnes peuvent-elles sauver l’Afrique ? Difficile de répondre par l’affirmative car, un candidat, une fois élu, est libre de faire ce qu’il veut sous les Tropiques. Cela est (presque) matérialisé par l’article 67 de la constitution ivoirienne : ‘’Le Président de la République est le chef de l’Administration. Il nomme aux emplois civils et militaires’’. Si nous voulons améliorer nos conditions de vie et de travail par les urnes en Côte d’Ivoire, il faudra susciter une institution capable de destituer un président élu après les audits de l’Inspection d’Etat, la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance… Institutions que devrait pouvoir saisir la société civile.

Dr Sylvain N’GUESSAN est le président du Cercle de Réflexion Stratégique d’Abidjan (CRSA). Il dirige, par ailleurs, le Groupe d’Etudes et de Travail ‘’Relations économiques internationales et Diplomatie’’.