Les priorités en Afrique : Terrorisme, Bonne gouvernance ou la sortie du FCFA?

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*Par Dr Idy SALL

Doit-on parler de la renaissance, ou de l’émancipation ou de l’émergence de l’Afrique ? Depuis les indépendances et à ce jour, le continent africain demeure un terreau hostile à l’épanouissement de l’individu, au respect des droits de l’homme et à la démocratie. En Afrique subsaharienne, les questions de démocratie et de bonne gouvernance ont du mal à s’implanter. Rares sont les pays en Afrique qui ont eu à connaître une alternance pacifique. Et parmi ces Etats, ils sont minés par la mauvaise gouvernance avec son effet corrupteur minant tout le système. Le chômage est à son plus haut niveau et la jeunesse a du mal à entreprendre à cause de l’absence de formation adéquate, de l’inexistence des sources de financement et de la complexité des procédures administratives.

L’Afrique francophone reste la région la plus secouée, avec son lot de crises politiques, la pauvreté grandissante et aussi et surtout la déliquescence des systèmes éducatif et sanitaire. Est-ce dû à la présence de la France ou à l’incapacité de nos dirigeants ? Quoiqu’il en soit, l’Afrique francophone est confrontée à de nombreux défis : le terrorisme avec la question du Sahel, la bonne gouvernance et la démocratie, le non-emploi de la jeunesse et aussi et surtout la question du franc CFA. Autant de défis que de priorités. Que devons-nous privilégier ? La question du FCFA ou la bonne gouvernance ? Ou encore la lutte contre le terrorisme ? L’Afrique francophone peut-elle toute seule mener ses différents combats ? Depuis quelques temps, plusieurs voix s’élèvent sur la gestion du FCFA et le départ des troupes françaises au Mali par exemple qui coïncide avec l’arrivée des Russes. 

Sur le FCFA, la demande est légitime. La gestion de la monnaie doit demeurer une compétence régalienne comme dans tous les pays où dans les Unions économiques. Pour les anciennes colonies, l’indépendance n’a pas été suivie d’une autonomie financière. Le FCFA a été d’abord arrimé sur le Franc Français ensuite sur l’Euro. La dévaluation de 1994 a fortement déprécié les conditions monétaires et financières de la zone. Les pays francophones s’engouffrent dans une spirale infernale de la dette sans une croissance soutenue. La population continue de souffrir et voit ses droits les plus élémentaires bafoués.

A cela viennent s’ajouter les questions de démocratie et de bonne gouvernance. Les Chefs d’Etat francophone ont une vision assez patrimoniale des deniers publics. Dans certains pays, la dynastie s’est installée, dans d’autres c’est la personnification du pouvoir sans possibilité d’alternance et enfin les autres pays sont caractérisés par une mauvaise gestion et une gabegie financière foudroyante. En Afrique, nous ne pouvons pas citer un pays modèle. Le Sénégal a été un bon élève depuis un certain ainsi que le Benin. La Côte d’Ivoire peine à réconcilier ses fils. Le Mali, le Burkina, le Niger, le Tchad sont confrontés au terrorisme. Comment ces pays peuvent-ils mener plusieurs batailles à la fois ?

Si nous prenons là questions du Fcfa et qu’elle demeure la priorité, nos États seront à la ruine. C’est vrai, il faut sortir de ce cycle infernal de gestion par la France, mais aussi il faut savoir le faire au moment opportun. La question de l’opportunité du Fcfa prime-t-elle sur la lutte contre le terrorisme ? Les partisans de cette théorie affirmeront qu’il est nécessaire de couper ce cordon ombilical et aller de l’avant. Oui il faut aller de l’avant en mettant en place des stratégies : celles-ci nous font défaut. Certains tombent dans le populisme en oubliant les fondamentaux pour la population. Les partisans pour le maintien encore du système de parité mettent l’accent sur d’autres défis plus importants que celle portée par une poignée de panafricanistes. En Afrique, il existe des pays qui battent leur propre monnaie, et ces pays comparés à l’Afrique francophone ne sont pas plus avancés ou plus émergents.

Le Rwanda demeure l’un des seuls pays qui sert d’exemple aux jeunes. Cela n’est pas dû à leur monnaie mais uniquement et seulement une gestion rigoureuse et militaire de la vie politique et économique par le Rwanda. Bien qu’il soit perçu comme un dictateur par certains, Paul Kagamé a réussi à hisser ce petit pays d’Afrique de l’Est au sommet alors qu’ils sortaient d’un effroyable génocide. Malgré leur monnaie nationale, si Kagamé Paul n’avait pas réussi à gérer d’une main de fer ce pays, il ne servirait pas d’exemple à la jeunesse africaine. Voilà une des raisons qui militent pour que la bonne gouvernance et la démocratie ainsi que la lutte contre le terrorisme soit prioritaire. Le terrorisme fera basculer l’Afrique de l’Ouest dans un cycle où il sera impossible de voir le bout du tunnel.

Les Maliens sont entrain de demander le départ des français pour leur incapacité à contenir les djihadistes. Au même moment, d’autres voix se lèvent pour dire que le départ des Français permettrait aux djihadistes de détruire le Mali en moins de 48 heures. Peut-être que c’est vrai, on n’en saura rien pour l’instant. Par ailleurs, la Russie étend ses tentacules par le prisme des panafricanistes. L’arrivée de la Russie dans le juron français n’est pas gratuité, elle est sous-entendue par des intérêts. L’exemple de la Syrie est assez éloquent avec la présence russe et des Occidentaux. 

Les russes veulent redéfinir la géopolitique de la guerre froide et tous les moyens sont autorisés. Seulement, les grands perdants de ces nouvelles conquêtes demeureront les populations africaines. Chaque pays a ses intérêts, la France a nombreux enjeux pour la sauvegarde de son pré-carré, il en est de même des Russes qui souhaitent avoir la main sur le marché africain. Pendant ce temps, nos dirigeants sont dans des calculs monarchiques du pouvoir en oubliant le plus important : la population et sa sécurité. Les gouvernants sont à l’heure actuelle incapables d’assurer notre sécurité. Ils sont à la quête d’un troisième mandat ou à la recherche des élucubrations juridiques pour se maintenir au pouvoir et bénéficier de funérailles grandioses. Dans ce schéma, ils sollicitent toujours la France pour cautionner leur projet pharaonique du pouvoir. 

Pour l’heure, les synergies doivent être concentrées sur la lutte contre le terrorisme ainsi sur la démocratie et la bonne gouvernance. L’éducation et la santé ne doivent pas aussi être négligées. La réussite de ces impératifs nous permettra de mener sereinement le combat du FCFA. Si nous ne le faisons pas, il n’y aura plus d’Etats pour porter cette lutte car même les panafricains les plus engagés chercheront leur sécurité sous d’autres cieux laissant derrière eux des populations désemparées et meurtries encore une fois de plus. 

*Dr Idy SALL est membre du Comité scientifique du Cercle de Réflexion Stratégique du Cercle de Réflexion Stratégique d’Abidjan dont il dirige le Groupe d’Etude et de Travail ‘’Foncier et Droits de l’Homme’’.