1990-2020. Le multipartisme entame sa quatrième décennie sous nos cieux. Décennie de la maturité ? Dakar, Accra, Cotonou ; dans les capitales où règnent quelques chétives démocraties, l’on a du mal à se rappeler des principaux dirigeants politiques de la fin des années 80. La Côte d’Ivoire semble faire l’exception avec son trio composé des présidents Bédié, Gbagbo, Ouattara. Quel climat politique nous réservent-ils pour 2020 ? Comment pourraient-ils impacter la décennie qui débute ? Dans les lignes qui suivent, notre regard porte sur quelques faits probables, peut-être impossibles, qui devraient retenir notre attention.
1-L’affaire Guillaume Soro. N’ayant pu revenir à Abidjan le 23 décembre, Guillaume Soro multiplie les sorties depuis son lieu d’exil. Un mandat d’arrêt est lancé contre lui. Soro sait que l’appareil judiciaire, sous son ex mentor, ne lui facilitera pas la tâche. Aucun pays limitrophe ne semble prêt à l’accueillir ; surtout pas le Burkina Faso où il circulait librement sous le président Blaise Compaoré.
Le leader de GPS pourrait-il faire campagne en vue de la présidentielle 2020 ? Peu probable. Le procès qui devrait s’ouvrir ce premier trimestre ne pourrait pas prendre fin d’ici juillet 2020. Appellera-t-il à voter pour un autre candidat ou alors choisira-t-il de boycotter la présidentielle à venir ?
2-La réforme constitutionnelle. Dans son message à la nation du 31 décembre 2019, le président de la république dit avoir ‘’instruit le Premier Ministre, Chef du Gouvernement à l’effet de rencontrer les partis politiques et la société civile, dès le mois de janvier, avant de finaliser le travail sur le code électoral.’’ Selon certains milieux, ces rencontres visent à discuter de la réforme constitutionnelle. L’un des points clés porterait sur la limite d’âge qui reviendrait à 75 ans.
3-La retraite politique des ‘’3 grands’’. Cette réforme constitutionnelle actée, les présidents Bédié et Ouattara ne pourraient pas être candidats à la future présidentielle. Il en est de même du Vice-président Duncan. Laurent Gbagbo, né le 31 mai 1945, aurait également plus de 75 ans en octobre 2020. Cette réforme conduirait nos ‘’3 grands’’ à la retraite politique. Une nouvelle génération, née au forceps, animerait l’espace politique ivoirien à partir d’octobre 2020.
4-Une présidentielle reportée ? Gbagbo, Bédié, Soro hors de la course, comment réagiraient les militants et sympathisants de leurs formations politiques ? La rue ivoirienne, dans un silence total depuis avril 2011, pourrait reprendre du service. En cas de pression forte, de rapport de force équilibré, il ne serait pas évident d’organiser la présidentielle en octobre prochain. Court-on vers une transition ?
5-Probables candidats. Gbagbo, Bédié, Soro hors service, à qui passeraient-ils le relais? Le PDCI qui a connu la saignée de 2019 ne devrait pas avoir de difficulté ; tant les cadres présidentiables capables de remporter la future élection se font rares en son sein. Billon et Thierry Tanoh devraient être plébiscités. Au FPI, Gbagbo donnerait-il l’onction à son épouse, Mme Simone Gbagbo, pour se lancer dans la bataille ? Ahoua Donmello, Dacoury Tabley (le banquier) pourraient défendre les couleurs EDS. Le RHDP a (presque) fait connaitre le nom du dauphin en la personne du premier ministre Gon. Les noms de Patrick Achi, Ahoussou Jeannot, Richard Donwahi reviennent constamment pour ce qui est de la Vice-présidence.
6-La menace terroriste. L’inquiétude abidjanaise est palpable au fur et à mesure que les terroristes gagnent du terrain au Burkina Faso, au Mali. Les combattants de Ansar Dine, Front du Macina, al-Mourabitoune, AQMI, Ansarul Islam, regroupés un moment au sein de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS dirigé par dirigé par Abou Walid Al-Sahraoui), du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM dirigé par Iyad Ag Ghali) ne se contenteront pas de s’arrêter à la frontière ivoirienne si Ouagadougou et Bamako venaient à imploser.
Les dernières notes en provenance de Paris, recommandant à ses ressortissants d’éviter plusieurs régions de la Côte d’Ivoire, ne sont pas faites pour rassurer. Les esprits commencent à se faire à l’idée qu’il y aura de nouvelles attaques après Bassam qui échoueraient grâce à la vigilance des services de renseignement, des forces anti terroristes… Les plus pessimistes espèrent ne pas se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment…
7-Le retour de Gbagbo ? Acquitté depuis bientôt un an par la CPI, le président Gbagbo n’a pu revenir dans son pays. Il est toujours devant les tribunaux. Pourrait-il revenir cette année ? Plusieurs milieux sont formels : si l’ex président doit revenir, ce sera après le résultat de la future présidentielle. En cas d’un probable second tour, le futur président ivoirien serait connu dans la première semaine de décembre 2020. Il aurait la seconde semaine pour former son gouvernement. Alors, Gbagbo Laurent fêtera-t-il le futur réveillon de la Saint-Sylvestre à Abidjan avec les siens ?
Comme je l’indiquais, ce sont des faits probables qui ont retenu notre attention. La liste pourrait s’allonger. Certains de ces faits pourraient se réaliser ; d’autres pas. Vous le constatez : il n’y a point de rupture ontologique. Certains de ces faits pourraient être encore à l’ordre du jour en 2021. Le Cercle de Réflexion Stratégique d’Abidjan se fera le plaisir d’apporter sa modeste contribution en termes d’analyse. Ces sujets nous intéressent au plus haut point. Bonne et heureuse année 2020. Merci pour la confiance.
Dr Sylvain N’GUESSAN est le président du Cercle de Réflexion Stratégique d’Abidjan (CRSA). Il dirige, par ailleurs, le Groupe d’Etudes et de Travail ‘’Relations économiques internationales et Diplomatie’’.